mise à jour : 24/11/2016
Si le poivre désigne l'épice issue de la baie de certaines espèces de lianes du genre Piper, dites poivriers, le langage courant désigne aussi sous ce nom générique une grande variété d'épices issues de plantes très diverses ou même de mélanges qui rappellent les qualités gustatives des poivres. On les nomme souvent « faux poivres ».
La réglementation française n'autorise d'ailleurs qu'aux baies de Piper nigrum l'appellation « poivre » (qu'il soit noir, blanc, vert, rouge ou gris, selon sa maturation et sa préparation). On ne peut utiliser dans les autres cas ce terme qu'accompagné d'un qualificatif : le Piper longum, par exemple, ne peut être nommé que « poivre long », le Piper capense, « poivre Timiz »...
Nous listerons donc ici les différents noms qui désignent des faux poivres, c'est à dire des noms qui contiennent « Poivre » (voire "Poivrier") mais qui ne correspondent pas à la baie d'un Piper. Nous verrons chacun des noms vernaculaires francophones, accompagné de l'objet qu'il désigne (plante, mélange...) avec les possibles doublons, erreurs ou abus, ainsi que de la référence la plus ancienne possible pour chaque cas. Il ne sera en revanche nullement question des noms issus de possibles traductions (jiao, pepper, etc) non référencés en français, ou des autres noms vernaculaires utilisés (par exemple, le poivre de la Jamaïque est aussi nommé Piment des Anglais) excepté pour le plus commun afin de faciliter la compréhension (par exemple le poivre d'âne est le nom, entre autres, de la Sariette commune, plus connue sous ce nom qu'en latin -Satureja hortensis-.).
Nous pouvons voir ce travail comme un hommage et une continuation de l'article "Poivre" du Dictionnaire des sciences naturelles (Tome 42. Pages 289-290), écrit par "plusieurs professeurs du Jardin du roi, et des principales écoles de Paris" et édité par Levrault (Strasbourg) en 1826.
Le très typique B’har halabi de Syrie, nommé « poivre d'Alep » en France, réunit le poivre noir, le poivre blanc, la cardamome verte, la noix de muscade, les clous de girofle, la cannelle et le gingembre. Le tout moulu, bien entendu.
Le « poivre d'âne », du provençal « Pèbre d'ai » ou « Pèbre d'ase » peut désigner la Sarriette commune (Satureja hortensis) ou la Sarriette des montagnes (Satujera montana) et même la Renouée poivre d'eau(1) (cf article "Poivre d'eau") !
Simplement, la Renouée poivre d'eau, Persicaria hydropiper, est le « poivre aquatique »(1) ou donc le « poivre d'eau »(2). On trouve étrangement aussi le nom de « Poivre d'âne »(3) pour cette même plante (cf article "Poivre d'âne").
Il s'agit de Myrica gale(1), plus connue sous le nom de Piment royal.
Le piment de Cayenne, Capsicum fastigatum, est aussi nommé « poivre de Cayenne » ou « poivre rouge » (cf article "Poivre rouge").
Il semble également qu'un mélange de piment frais, de farine et de sel, une fois séché et broyé fut vendu sous ce nom, voire sous la simple forme de piment séché et broyé, se rapprochant alors du poivre rouge.
Issue de Drimys winteri, c'est encore une baie que certains vendeurs nomment ainsi, par opportunisme commercial sûrement. On le trouve même sous le nom de « poivre sacré de Patagonie » !
Le « poivre de Guinée » désigne à lui tout seul deux faux poivres. D'une part, on trouve sous ce nom la Maniguette, Aframomum melegueta, appelée également « poivre du Paradis » ; et, d'autre part, le Kili, Xylopia aethiopica, ou « poivre de Sélim ».
Ce nom désigne la baie du Pimenta dioica.
Cette baie ronde est connue pour son parfum qui, au broyage, rappelle un mélange de gingembre, clou de girofle, noix de muscade et poivre noir, et qui lui a donné son autre nom de « quatre-épices », mais qu'il ne faut pas confondre avec le mélange de ces épices qui porte ce même nom !
Le « poivre de Tasmanie » est lui tiré des petites baies noires du Tasmannia lanceolata.
Le Vitex agnus-castus connu sous le nom de gattilier(1), agneau chaste(2), arbre chaste(?), ou « arbre au poivre »(3) et « faux poivrier »(3). Son fruit séché est appelé « poivre des moines », d'abord par Sérapion semble-t-il(4), peut-être dans son Liber de medecinis simplicibus ; « poivre sauvage »(1) ou même « petit poivre » d'après l'italien piperella(4).
Le « poivre des murailles » ou « poivre de muraille » désigne Sedum acre, l'Orpin âcre.
Plus connu est le cas du « poivre rose », même si c'est plutôt sous le nom de « baies roses » qu'on le trouve couramment. Il s'agit de la baie de Schinus terebinthifolia. On le trouve aussi plus rarement sous les noms de « poivre de Bourbon », « poivre de la Réunion », « poivre brésilien », « poivre d'Amérique », « poivre marron », « poivre rosé », « poivre rouge » (à ne pas confondre : cf article du même nom) ou tout simplement « faux poivre ».
Parlons d'un vrai piment, un Capsicum annuum, le paprika, qui, une fois en poudre séché, sa forme de consommation classique, est appelé par ce nom dans les pays du Maghreb en français ou felfel akri en arabe.
Autre piment, celui dit de Cayenne, Capsicum fastigatum, que l'on trouve (trouvait ?) nommé ainsi, vendu en poudre(1).
On trouve également des références au berberi d'Éthiopie (le berbéré actuel ?) sous ce nom(2, 3).
Un mot sur la nigelle cultivée ou cumin noir, Nigella sativa, à qui l'on donne aussi le joli nom de « poivrette » (à ne pas confondre avec la « poivrette » du canton du Valais qui désigne la Sarriette, le « poivre d'âne » ci-dessus), ou même « petit poivre », cette fois à ne pas confondre avec le « poivre des moines ».
Et pour finir, le cas délicat du « poivre du Sichuan » et plus largement des faux poivres provenant du genre Zanthoxylum. En effet, il existe sous le nom de « poivre du Sichuan » au moins trois variétés différentes : Z. simulans, Z. bungeanum et Z. schinifolium. Se rapprocher de son vendeur habituel avec l'espoir qu'il soit sûr de ce qu'il vous vend... En revanche, le « poivre Sansho », plus typiquement japonais, est lui tiré du péricarpe de Z. piperitum. Le « poivre des cimes », d'origine vietnamienne, est plus assurément Z. rhetsa, alors que le « poivre Timut » semble provenir de Z. armatum ou Z. alatum. On trouve également sous le nom de « poivre de Batak » (ethnie d'Indonésie) la baie de Zanthoxylum acanthopodium.